Un contrôle lucratif au détriment de l’État
Le député Kamel Oussangari a récemment pris la parole pour dénoncer l’influence excessive de Bénin Control SA, une société appartenant à Patrice Talon, sur les opérations du port de Cotonou. Selon lui, cette domination contribue largement à l’augmentation du coût de la vie au Bénin, en raison des prélèvements élevés effectués par cette société sur les transactions portuaires.
Un arrêté datant du 24 août 2018 détaille les frais imposés sur les marchandises et les camions de ciment en transit au port de Cotonou. Pour chaque véhicule transportant des marchandises, un montant de 89946 FCFA TTC est prélevé. Sur cette somme, 74946 FCFA vont directement à Bénin Control SA, tandis que seulement 15000 FCFA sont versés au Trésor public. La comparaison est encore aussi frappante pour les véhicules transportant du ciment en provenance du Nigeria, où sur les 80 000 FCFA prélevés, 50 000 FCFA reviennent à Bénin Control SA, contre à peine 25 500 FCFA pour le Trésor public.
Cette disproportion démontre clairement que Bénin Control SA perçoit des montants bien plus élevés que ceux perçus par l’État, mettant ainsi en lumière une structure de prélèvement qui favorise largement les intérêts privés au détriment des recettes publiques.
Une société dominante dans l’économie béninoise
Bénin Control SA, créée en 2011 et filiale du groupe SFP (Société de Financement et de Participation), a été mandatée par l’État béninois pour gérer plusieurs aspects cruciaux du Programme de Vérification des Importations (PVI). La société est en charge de l’inspection à destination, de la détermination de la valeur en douane des biens importés, ainsi que de la certification des poids et quantités des marchandises débarquées en vrac au Port Autonome de Cotonou (PAC).
L’ancien président Yayi Boni avait déjà mis en garde contre cette situation, déclarant que « le Bénin a déjà perdu son port à cause du PVI », accusant Patrice Talon de vouloir accaparer 400 milliards de FCFA dans un pays où 50% des jeunes sont sans emploi. Cette affirmation prend tout son sens lorsque l’on constate que les revenus de Bénin Control SA surpassent largement ceux générés pour le Trésor public.
Conflit d’intérêts et opacité financière
Le conflit d’intérêts est ici flagrant. Comment le chef de l’État peut-il, à travers differentes sociétés appartenant à sa famille et son clan , être également le principal prestataire de services pour l’État ? Cette double casquette lui permet de dominer des secteurs entiers de l’économie béninoise, contribuant ainsi à la hausse des prix des produits de première nécessité, qui pèsent lourdement sur le budget des ménages.
La transparence autour des revenus générés par Bénin Control SA reste, quant à elle, extrêmement limitée. Depuis la reprise de ses activités en 2017, aucun chiffre clair n’a été communiqué, ce qui alimente les suspicions de conflit d’intérêts et de détournement des ressources publiques à des fins privées.
L’interpellation du député Kamel Oussangari soulève une question cruciale : le modèle économique actuel, où des sociétés privées, notamment celles liées au chef de l’État, prélèvent davantage que l’État lui-même, est-il viable pour le Bénin ? Ce débat mérite une attention particulière, car il en va non seulement de la transparence financière, mais aussi de l’équité économique dans le pays.