
Harlem, New York –
Le dimanche 27 avril 2025 à 15h30, le Maysles Documentary Center a accueilli la deuxième session du festival Francophone Short Film in Harlem, sous la modération du critique de cinéma Joseph Pomp, dans le cadre du programme de la Journée de la Francophonie. La session a donné lieu à une exploration cinématographique plurielle, articulée autour de figures d’héritage oublié, de villes éclatantes, et de récits d’enfance, le tout suivi d’une discussion nourrie avec les réalisateurs.
Sita Bella : une pionnière effacée de l’histoire
Le film Sita Bella, réalisé par Eugénie Metala (Cameroun), a profondément marqué la séance. Ce documentaire poignant rend hommage à Sita Bella, première femme journaliste du Cameroun, première pilote d’avion du pays, et l’une des toutes premières cinéastes africaines. Son œuvre Tam Tam à Paris fut sélectionnée à la toute première édition du FESPACO en 1969. Pourtant, de son passage sur Terre, il ne reste qu’une tombe anonyme, et une salle de cinéma en ruine dans les locaux du ministère camerounais de la Communication.
Ce film interroge non seulement l’oubli dont souffre une femme brillante, mais aussi l’absence de reconnaissance structurelle que les sociétés postcoloniales réservent à leurs pionnières féminines. Il met en lumière l’ironie douloureuse d’une figure d’avant-garde effacée par l’histoire d’un pays miné, dès les indépendances, par une gouvernance instable et patriarcale.
Mon Vélo : l’excellence en réponse aux préjugés
Autre temps fort de la session, le court-métrage Mon Vélo du Béninois Francky Tohouegnon, produit par Arnold Setohou, a offert une leçon de vie bouleversante sur l’enfance, l’effort et la dignité. Le film met en scène Oumar, un garçon de 12 ans à qui son père promet un vélo s’il finit premier de sa classe. Lorsqu’il rêve que son vélo est volé, il se lance avec son ami Comlan dans une quête pleine de tendresse et d’ingéniosité pour le retrouver.
Bien plus qu’un récit d’enfant, Mon Vélo est un manifeste contre les stéréotypes sociaux : « même s’ils sont classifiés par la loi, ce ne sont pas de mauvais garçons », dira le producteur lors du Q&A. Ce film pose un regard humaniste et juste sur ces enfants dits « de la rue », trop souvent jugés, et rarement représentés avec une telle lumière. L’œuvre célèbre l’excellence, la camaraderie, et la dignité de ceux qu’on oublie d’écouter.
Kin My Beautiful : la ville, brutale et sublime
Projeté entre ces deux récits puissants, le court-métrage Kin My Beautiful du Congolais Junior Moses offre une immersion visuelle dans Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo. À travers la caméra, cette ville est à la fois “ardente, laide et magnifique”. C’est le lieu où naissent les gestes quotidiens, les ambiances, les sons de l’existence.
Ce film expérimental est une déclaration d’amour rugueuse, mais sincère, à une ville qui ne laisse jamais indifférent.

La relève new-yorkaise : une jeunesse engagée
En clôture, un court-métrage présenté par de jeunes élèves du Lycée Français de New York, lauréats du Rough-Cut Festival 2025, a témoigné de l’engagement culturel de la francophonie locale. Leur film, d’une durée de 15 minutes, a séduit par sa créativité et sa capacité à tisser du sens autour de thèmes contemporains.
Un Q&A enrichissant : lumières sur les coulisses
Le Q&A, animé par Joseph Pomp, a permis d’explorer les intentions des cinéastes, notamment sur le travail avec les enfants, l’usage de la lumière comme narration, ou encore les conditions matérielles de production.
Le réalisateur de Mon Vélo a rappelé que les jeunes acteurs étaient des enfants du quartier, choisis pour leur naturel et leur complicité, loin d’un casting professionnel un choix qui donne au film sa fraîcheur authentique. Il a également souligné les limites budgétaires qui ont nécessité des solutions locales, prouvant qu’une grande histoire peut naître dans un cadre modeste, pourvu qu’elle soit portée avec sincérité et rigueur.
Une francophonie qui éclaire
Cette deuxième session a confirmé la force de ce festival : rendre visibles les marges, les voix oubliées, les enfances lumineuses et les villes complexes, en conjuguant exigence esthétique et ancrage social. Le public, conquis, a quitté la salle bouleversé, inspiré, ému preuve que la francophonie n’est pas seulement un héritage linguistique, mais un terrain de création libre et essentielle.