
Mobilisées pour la première fois au Capitole de New York, des dizaines de professionnelles du braiding ont dénoncé les exigences disproportionnées pour obtenir une licence de coiffure naturelle. Une mobilisation inédite pour la reconnaissance d’un savoir-faire ancestral, au cœur d’un projet de loi porté par les élus Cleare et Hunter.
ALBANY (NY), 13 mai 2025 – En tenues africaines éclatantes, brandissant pancartes et espoirs, plus de 65 coiffeuses africaines ont fait entendre leur voix devant le Capitole de l’État de New York. À l’appel de l’organisation African Communities Together (ACT), elles ont participé à leur toute première rallye et journée de lobbying, réclamant la réforme urgente du système de licences pour la coiffure naturelle.
L’objectif étant de faire adopter les propositions de loi S.5438 (Cleare) et A.6529 (Hunter), qui visent à alléger les critères actuels imposés aux coiffeuses spécialisées dans le braiding une pratique héritée, transmise de génération en génération, mais aujourd’hui étouffée par une réglementation jugée inadaptée.
Des exigences jugées excessives et discriminatoires
Actuellement, pour obtenir le Natural Hair Styling License dans l’État de New York, il faut :
- effectuer 300 heures de formation,
- réussir deux examens (écrit et pratique),
- passer une visite médicale,
- et naviguer dans une procédure strictement en anglais.
Des conditions jugées « injustes, coûteuses et inaccessibles » pour des immigrées qui maîtrisent déjà leur métier.
« Cela fait des années que les femmes africaines doivent payer des milliers de dollars pour apprendre une compétence qu’elles possèdent déjà », dénonce Maimouna Dieye, directrice du chapitre new-yorkais de ACT. « Elles ne demandent pas de traitement de faveur, mais le respect de leur dignité. »
Cette réalité touche principalement des femmes noires immigrées, souvent peu alphabétisées en anglais, et qui vivent de cette activité artisanale. « La licence actuelle est une barrière. Pas une passerelle vers la formalisation », résume Robert Agyemang, vice-président de la New York Immigration Coalition.
Une réforme pragmatique et attendue
Les propositions de loi portées par la sénatrice Cordell Cleare et l’assembléiste Pamela Hunter veulent corriger ces dérives. Parmi les mesures prévues :
- ramener la formation obligatoire de 300 à 40 heures, centrées sur l’hygiène et la sécurité ;
- permettre aux candidates de passer un test pratique dans leur langue maternelle ;
- simplifier le processus d’obtention de la licence.

« Les coiffeuses de mon district connaissent leur métier. Leur compétence est réelle. Il est temps de sortir de cette bureaucratie déconnectée du terrain », a déclaré la sénatrice Cleare, en soutien à la mobilisation.
Cette réforme apporterait un souffle nouveau à une communauté souvent marginalisée dans le secteur de la beauté, alors même qu’elle en constitue l’un des piliers économiques.
Un métier identitaire, une fierté culturelle
Pour nombre de manifestantes, le braiding n’est pas seulement une activité professionnelle : c’est une expression identitaire et un lien vivant avec la culture d’origine.
« Je coiffe depuis mes 12 ans. Ma mère m’a appris à tresser avec des feuilles de maïs sèches enroulées dans une bouteille », raconte Ramatoulaye Ngom, braideuse à Harlem. « Ce métier, c’est ce que j’ai de plus précieux. C’est aussi ce qui nourrit ma famille. »
Pour Airenakhue B. Omoragbon, responsable politique chez ACT, ce savoir-faire est une forme de résistance : « Pendant des décennies, nos cheveux ont été stigmatisés. Le braiding est un acte de fierté, un acte de transmission, un acte politique. »
Un réveil citoyen prometteur
Si certaines participantes avouaient timidement que c’était leur première visite à Albany, la force du collectif a fait tomber les barrières. L’événement est perçu par les organisateurs comme un tournant : « Nous avons vu une communauté debout, prête à s’organiser et à faire bouger les lignes », conclut Omoragbon.
L’adoption des propositions de loi serait une avancée significative, pas seulement pour les coiffeuses africaines, mais pour l’ensemble des travailleurs manuels issus de l’immigration confrontés à des normes d’accès rigides, souvent sans lien avec la réalité de leur pratique.
« Nous voulons seulement exercer notre métier avec respect, en paix, et avec une licence qui reconnaît ce que nous sommes déjà », résume Massandje Doukouré, coiffeuse new-yorkaise blessée un jour par une cliente irrespectueuse. « C’est une question de dignité. »