
Porter haut les symboles de sa culture : Queen Mbeza, Présidente d’Afiri Ekang Montréal, revêtue d’une robe en fibre de raphia, étoffe ancestrale et distinctive de la noblesse Ekang et Bantoue, Une tenue qui incarne l’élégance, la souveraineté et la fière réaffirmation d’une identité millénaire sur la scène internationale.
Leader visionnaire et infatigable promotrice de la culture Ekang, Queen Mbeza incarne la reconquête identitaire et spirituelle de sa communauté. De ses fonctions au gouvernement fédéral canadien à la présidence d’Afiri Ekang Montréal, elle déploie une stratégie multicontinentale pour fédérer les peuples Ekang autour de leur patrimoine. Dans cet entretien exclusif accordé à la rédaction des Indomptables Magazine, elle détaille son parcours, sa vision ambitieuse et les projets structurants qui dessinent l’avenir de la culture Ekang sur la scène internationale.
Les Indomptables Magazine : Madame Mbeza, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Queen Mbeza : Je me nomme Cécile Mbeza Ondigui, communément appelée Queen Mbeza. Je suis d’origine Esselé, dans le département de la Lekié, arrondissement d’Obala. Je suis la huitième d’une famille de onze enfants, fille de feu Ondigui Bruno et de mere Mvokani d’Efok feue Anne Marie Ndzie.
Titulaire d’une maîtrise en Droit des Affaires et d’un diplôme en Psychologie et Travail Social, j’ai successivement exercé au sein de la Direction Générale des Douanes camerounaises, de l’Agence de l’Électrification Rurale, puis pendant huit ans à la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC). En 2011, j’ai rejoint le Canada, où j’exerce depuis comme fonctionnaire au gouvernement fédéral.
Mon engagement associatif au sein de la communauté Ekang a débuté en avril 2023 via l’association Nkul Ekang Ya Amerika. Peu après mon adhésion, une crise interne a conduit à une scission. J’ai alors rejoint un groupe restreint, déterminé à poursuivre la préparation d’un congrès déjà engagé. C’est à cette occasion que j’ai commencé à animer avec passion l’émission Milang Mi Ngogue, un programme dédié à la culture et à la spiritualité Ekang, qui est rapidement devenu le pilier de mon action et le ferment de l’association que je préside aujourd’hui, Afiri Ekang.
Cette plateforme m’a permis d’étendre mon audience à l’international et de rencontrer des personnalités éminentes, telles que l’anthropologue Bingono Bingono, expert en patrimoine culturel immatériel, le Dr. Fabrice Mba, spécialiste du Nguii, le mathématicien et initié Nji Boccace Owona, ainsi que plusieurs chefs traditionnels Ekang. J’ai également bénéficié du soutien discret mais précieux d’autres personnalités dans ce travail complexe de retour aux sources.
Les Indomptables Magazine : Quelle est votre vision pour la culture Ekang dans son ancrage mondial ?
Queen Mbeza : En cette ère du Verseau, la reconnexion avec nos traditions est impérative. Cette période nous invite à nous réapproprier des valeurs ancestrales que nos peuples de la forêt ont, souvent involontairement, délaissées, conduisant à une certaine aliénation culturelle. Comment pouvons-nous prétendre concourir à l’échelle mondiale si nous sommes déconnectés des fondements qui permettent à toute communauté de s’épanouir : sa culture et sa spiritualité ?
Notre vision à Afiri Ekang est de créer une synergie entre toutes les associations Ekang, d’abord localement, puis à travers le monde. L’objectif est de fédérer tous les Ekang en un réseau puissant, évoluant d’une Fédération vers une Confédération. Cette structure, qui s’étendra au Gabon, au Congo, en Guinée Équatoriale, à São Tomé, etc., reformera à terme l’essence de ce que les anciens appelaient l’Essagom.
Cette vision se concrétisera par l’autonomie des associations à organiser festivals, expositions et autres manifestations culturelles. Elles seront également chargées de mettre en place des ateliers pour la jeunesse et de recueillir les éléments du patrimoine oral et matériel pour en assurer la conservation. L’accent sera mis sur l’initiation au Mvet, considéré comme la bible des Ekang, l’apprentissage des langues – déjà dispensé en ligne par notre Vice-Président, Tara Mbani Atangana – et la perpétuation des danses traditionnelles.
Pour fédérer les associations en Amérique du Nord, la Fédération Ekang Bese y’Amerka, actuellement en restructuration, lance un appel vibrant à toutes les associations désireuses de rejoindre ce grand réseau, afin de travailler ensemble au développement de notre communauté et d’affirmer avec force notre adage : Nsoa Ngoan Ngul E Magnan.
Les Indomptables Magazine : Bien qu’étant une jeune association, quelles sont les réalisations concrètes d’Afiri Ekang à ce jour ?
Queen Mbeza : Bien que jeune association, Afiri Ekang a déjà initié des projets concrets. Au Cameroun, nous avons mis sur pied une coopérative comprenant un poulailler, une porcherie et cinq hectares de culture de tournesol. Avant la fin du mois, un don de cahiers et de livres sera remis à un orphelinat de Mbankomo, près de Yaoundé, pour apporter un soutien aux plus démunis.
Sur le plan international, nous sommes invités à un sommet sur l’Agri-Business en novembre prochain aux Nations Unies, et à un colloque sur la Femme et l’Entrepreneuriat à Montréal en mars 2026. Nous avons également établi un partenariat avec la fondation américaine Aquaponics Infrastructure, qui s’installe au Cameroun pour des projets de formation et d’insertion des jeunes dans les domaines de l’agriculture, de l’élevage et des énergies renouvelables. De grands projets sont en préparation à partir de janvier 2026.
Les Indomptables Magazine : Quels sont les principaux défis du travail culturel transnational et le rôle des nouvelles technologies dans votre déploiement ?
Queen Mbeza : Le déploiement d’activités culturelles se heurte souvent à des contraintes logistiques et financières. Au niveau de la Fédération, nous préconisons le recensement des besoins et des appels à contributions auprès des membres et volontaires. La recherche de partenariats mutuellement bénéfiques avec des entreprises de services est également une piste privilégiée.
Par ailleurs, la mondialisation et les nouvelles technologies créent un frein intergénérationnel, rendant la transmission difficile auprès d’une jeunesse souvent plus captivée par l’innovation technologique que par la tradition, parfois perçue comme taboue.
Cependant, ces mêmes technologies sont un levier indispensable pour notre déploiement. Elles permettent le partage des connaissances au-delà des frontières. Afiri Ekang utilise ainsi des plateformes comme Zoom et WhatsApp pour organiser des webinaires qui permettent à tous ceux qui le souhaitent de renouer avec nos us et coutumes. Les réseaux sociaux sont aujourd’hui des outils de communication incontournables pour informer et connecter une masse critique de personnes simultanément.
Les Indomptables Magazine : Quels sont vos grands projets internationaux pour les 5 prochaines années ?
Queen Mbeza : Nos ambitions s’articulent autour de sept axes majeurs :
- Formation et transmission intergénérationnelle : Ateliers pour la jeunesse (danse, musique, artisanat, langue), écoles culturelles et parrainages par les aînés.
- Musées et centres culturels modernisés : Renforcement des centres en zones rurales, rénovation des musées, foires-expositions d’artefacts.
- Festivals et rencontres culturelles : Création d’un festival annuel Ekang, national et transfrontalier, avec des bases dans plusieurs pays.
- Artisanat et savoir traditionnel : Relance des rites Issié et Mévoungou, promotion de vêtements traditionnels aux designs contemporains, valorisation de l’artisanat (sculpture, vannerie, instruments) via des coopératives, des boutiques et des marques certifiées.
- Patrimoine immatériel : Numérisation des archives, des contes, des chants, des rites et des savoirs oraux sur des plateformes accessibles.
- Médias et technologie numérique : Production de films, documentaires et podcasts ; utilisation des réseaux sociaux pour promo uvoir l’art et le savoir-faire Ekang.
- Politique publique et reconnaissance : Plaidoyer pour la reconnaissance formelle du patrimoine Ekang par les institutions, obtention de financements, protection des sites culturels et mise en place de mécanismes de financement durables (fonds culturel, partenariats public-privé, tourisme culturel, mécénat).
Ce plan d’action établit une feuille de route claire pour renforcer l’identité Ekang, promouvoir sa culture et assurer la transmission des savoirs. La collaboration entre les associations membres et les partenaires externes sera essentielle à la réussite de ces initiatives structurantes.