Déjà tendues, les relations entre la France et le Maroc se sont dégradées davantage ces dernières semaines. Les officiels marocains ont désormais pour consigne de ne plus recevoir l’ambassadeur français dans le pays, Christophe Lecourtier. Dans le même temps, le royaume chérifien n’entend pas nommer de nouvel envoyé diplomatique en France avant plusieurs mois.
Retour sensible. Après quelques jours de congé dans l’Hexagone, l’ambassadeur français à Rabat, Christophe Lecourtier, vient de rentrer au Maroc mi-mars. Mais dans la capitale marocaine, le diplomate de 60 ans marche désormais sur des œufs : plusieurs ministres et officiels ont reçu pour consigne mi-février de ne plus le recevoir. Si la mesure ne fait l’objet d’aucune circulaire ou note interne, elle est déjà bien appliquée : plusieurs ministres et représentants du royaume ont décommandé ces
dernières semaines rendez-vous et dîners avec l’ancien directeur général de Business France.
Persona non grata
Rendez-vous à l’Elysée .Retour sensible. Après quelques jours de congé dans l’Hexagone, l’ambassadeur français à Rabat, Christophe Lecourtier, vient de rentrer au Maroc mi-mars. Mais dans la capitale marocaine, le diplomate de 60 ans marche désormais sur des œufs : plusieurs ministres et officiels ont reçu pour consigne mi-février de ne plus le recevoir. Si la mesure ne fait l’objet d’aucune circulaire ou note interne, elle est déjà bien appliquée : plusieurs ministres et représentants du royaume ont décommandé ces dernières semaines rendez-vous et dîners avec l’ancien directeur
général de Business France. L’ambassadeur de France à Rabat a bien croisé une poignée de responsables gouvernementaux à l’occasion d’événements, comme lors de l’anniversaire de l’Ecole centrale de Casablanca, le 18 février, auquel a assisté Ryad Mezzour, le ministre de l’industrie, ou encore du 11e
Congrès mondial de l’UIC, qui s’est tenu du 7 au 10 mars à Marrakech en présence de Mohcine Jazouli, le ministre délégué chargé des investissements, mais Lecourtier n’a été reçu officiellement par aucun
ministre du gouvernement depuis fin janvier. Sa dernière rencontre en tête-à-tête avec un ministre marocain remonte au 24 janvier. Il s’était alors entretenu avec le titulaire du portefeuille de l’économie et des finances, Nadia Fettah Alaoui. Si officiellement, Christophe Lecourtier n’est pas persona non grata,
puisqu’il reste invité aux cérémonies et aux évènements protocolaires, il l’est dans les faits. Ce dernier a directement évoqué sa délicate situation avec le président français Emmanuel Macron en personne lors d’un rendez-vous qui s’est tenu à l’Elysée la première dizaine de mars. Quelques jours avant, un
évènement était par ailleurs venu un peu plus détériorer les relations entre les deux capitales : le contrôle par la douane française du jet Falcon 7X de l’ancien puissant ministre marocain de l’industrie lors son arrivée au Bourget, Moulay Hafid Elalamy, révélé par le média marocain Le Desk. Si plusieurs zones d’ombre demeurent sur les circonstances exactes de cette inspection, l’épisode a suscité l’irritation de Rabat et un certain malaise à Paris. L’ambassadeur français a ainsi téléphoné au fondateur du groupe Saham, Moulay Hafid Elalamy.
A son arrivée dans la capitale marocaine, au début de l’année, Christophe Lecourtier avait pourtant pu bénéficier du climat de décrispation initié lors de l’appel du 3 novembre 2022 entre Emmanuel Macron et Mohammed VI et symbolisé par la visite de la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, au Maroc mi-décembre. Dans la foulée, la ministre avait annoncé un retour à la normale sur l’épineux dossier des visas. Mais l’ambassadeur français, n’est pas l’unique cible de Rabat. Pourtant introduit depuis plusieurs années dans les cénacles du pouvoir marocain, le directeur de l’Institut du monde arabe (IMA), Jack Lang, a bénéficié d’un accueil minimal lors de son séjour au Maroc de la fin février où il était venu inaugurer l’exposition « Modernités arabes » de l’IMA au musée Mohammed VI. Si le peintre Mehdi Qotbi, président de la Fondation nationale des musées, a participé à la cérémonie, aucun ministre n’a fait le déplacement au vernissage ni à la réception donnée à l’ambassade de France par l’ancien ministre de la culture de François Mitterrand.
Au-delà des personnes, le bras de fer s’est également joué sur le plan symbolique : depuis le mois de février, les ministres et officiels marocains sont ainsi invités à privilégier l’emploi de l’arabe et de l’anglais aux dépens du français. Une disposition déjà mise en pratique lors de plusieurs adresses de représentants de l’Etat marocain. Le sujet n’est en réalité pas vraiment nouveau : depuis plusieurs années, la diplomatie marocaine rechigne à délivrer les autorisations nécessaires à l’ouverture de nouvelles écoles françaises dans le royaume chérifien.
Ce nouveau gel de l’axe Paris/Rabat intervient alors que la question du Sahara occidental apparaît de nouveau comme le principal casus belli entre les deux capitales. Un dossier sur lequel le ministre marocain des affaires étrangères souhaite afficher une position de fermeté vis-à-vis de Paris. Au sujet sahraoui, s’est ajouté le vote de la résolution du Parlement européen dénonçant les atteintes à la liberté d’expression au Maroc à laquelle a pris part Stéphane Séjourné, secrétaire général du parti présidentiel Renaissance. Si l’ambassadeur français à Rabat a tenté de prendre les devants, évoquant dans le magazine marocain telquel.
« résolution qui n’engage nullement la France », la sortie n’a pas vraiment convaincu une partie du premier cercle du souverain. La situation n’est en revanche pas sans rappeler un précédent : en mars 2021, quelques semaines après une réunion convoquée par Berlin sur le Sahara occidental, une note signée du ministre marocain des affaires étrangères Nasser Bourita avait fuité. Le chef de la diplomatie marocaine y appelait les membres du gouvernement de l’ambassade d’Allemagne à Rabat ». à « la suspension de tout contact avec Il avait alors fallu attendre l’arrivée du chancelier allemand en décembre 2021 et une reconnaissance par l’Allemagne de la « contribution importante » du Maroc à la résolution du conflit au Sahara, « à travers un plan d’autonomie au Sahara en 2007 » pour entreprendre une détente entre les deux pays. A l’image de Berlin et Madrid – le premier ministre Pedro Sanchez avait annoncé il y a un an que le plan marocain « d’autonomie » pour le territoire du Sahara occidental était « la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend »
– Rabat attend fermement un infléchissement de la position de Paris. Dans ce contexte, la diplomatie marocaine n’entend pas nommer de successeur à son ambassadeur à Paris, Mohamed Benchaâboum.
Nommé à la tête du Fonds Mohammed VI pour l’investissement en octobre 2022, le royaume a définitivement mis fin à ses fonctions le 19 janvier, hypothéquant encore un peu plus une éventuelle visite
d’Emmanuel Macron qui était initialement programmée au printemps.