Les communautés religieuses souhaitent de plus en plus investir dans des entreprises qui respectent leurs valeurs spirituelles et leurs préoccupations éthiques. Pourtant, selon les experts, le marché financier tarde à proposer des options adaptées.
Une conférence tenue à Londres les 11 et 12 novembre a tenté de réduire cet écart. Elle a réuni des experts de l’industrie des services financiers et des leaders anglicans et catholiques, représentant des diocèses et des congrégations du monde entier, avec un portefeuille estimé à 1 750 milliards de dollars.
“Nous constatons un intérêt croissant de la part des organisations religieuses, non seulement catholiques, mais également d’autres confessions chrétiennes, pour s’assurer que l’argent soit géré en accord avec leurs croyances,” a déclaré Peter Hugh Smith, directeur général de CCLA Investment Management, basé à Londres, dans une interview à RNS.
Une initiative guidée par l’enseignement catholique
CCLA, qui gère les fonds de l’Église d’Angleterre et d’autres œuvres caritatives religieuses, a organisé la conférence appelée “Mensuram Bonam Summit”. Ce nom, issu du latin pour “à bon escient”, s’inspire d’un document publié en 2022 par l’Académie pontificale des sciences sociales. Ce texte propose des lignes directrices pour les entreprises et investisseurs catholiques souhaitant orienter leurs placements vers le bien commun, en accord avec les enseignements du pape François.
Le document recommande une approche en trois étapes : dialoguer avec les entreprises d’investissement, apporter une perspective basée sur la foi pour améliorer leurs portefeuilles, et, en dernier recours, exclure les entreprises ne répondant pas à ces critères.
Alors que le monde musulman a développé des mécanismes sophistiqués pour des investissements conformes à la charia – excluant par exemple les secteurs de la viande porcine, du tabac ou de l’alcool – les chrétiens manquent encore de ressources similaires.
Éduquer les investisseurs et les conseillers financiers
Pour Peter Hugh Smith, le défi principal est d’éduquer le secteur financier aux besoins spécifiques des investisseurs religieux :
“De plus en plus, les croyants prennent conscience qu’ils ont le choix quant à l’utilisation de leur argent, mais les options restent limitées. C’est cela que nous cherchons à changer,” a-t-il affirmé.
La conférence a donc insisté sur l’éducation des conseillers financiers. Le document Mensuram Bonam liste 24 questions éthiques à considérer avant d’investir, touchant des sujets tels que l’avortement, l’environnement et les problématiques sociales.
Pour le révérend Séamus Finn, spécialiste des investissements responsables basés sur la foi et prêtre de la congrégation des Oblats de Marie Immaculée, il est crucial d’inculquer une vision élargie :
“Il ne s’agit pas seulement de rendement financier. L’objectif est de bâtir un avenir durable pour les générations futures et d’améliorer la condition des marginalisés, des pauvres et des migrants.”
Un engagement mondial pour une finance éthique
La conférence a bénéficié du soutien d’organisations américaines, telles que les Chevaliers de Colomb, Catholic Investment Services et CBIS Catholic Responsible Investments, ainsi que d’institutions européennes. Elle a également accueilli des cardinaux de la Curie romaine et Jean-Baptiste de Franssu, président de l’Institut pour les œuvres de religion, connu comme la banque du Vatican.
Après avoir été éclaboussée par des scandales financiers, la banque du Vatican cherche aujourd’hui à devenir un exemple de transparence et d’efficacité. Finn espère que ce sommet encouragera le Vatican à partager ses bonnes pratiques et incitera les institutions catholiques, souvent dirigées par des clercs peu formés en finance, à adopter des outils modernes.
Investir éthiquement sans sacrifier les rendements
Malgré les défis, Finn insiste sur la possibilité d’investir éthiquement sans compromettre la performance financière :
“Il est tout à fait possible d’allier éthique et rentabilité. De nombreuses entreprises souhaitent faire le bien et agir correctement,” a-t-il conclu.
Ce sommet marque une étape importante dans la promotion d’une finance au service de valeurs chrétiennes, tout en répondant aux exigences d’un monde économique complexe.